" A R C H É O D R O M E "

OU LES VESTIGES DU TEMPS PASSÉ

Le promeneur, un brin observateur, peut encore découvrir sur l'aérodrome quelques vestiges, de plus en plus rares, des installations datant de l'époque où la base aérienne grouillait de vie. Voici un recensement non exhaustif :

Le "petit bois" : cette parcelle boisée n'a rien de naturelle puisque ce sont les occupants allemands qui furent à l'origine des plantations d'arbres, l'objectif étant de camoufler les installations aéronautiques se trouvant au sud-ouest de l'aérodrome. Après les destructions de la guerre, cette zone fut laissée à l'abandon et dame nature reprit vite ses droits. Les arbres et taillis poussèrent jusqu'à former aujourd'hui ce "petit bois" (ainsi baptisé par les Romillons) où des générations d'enfants des quartiers avoisinants en firent leur aire de jeu privilégiée. Ce fut également un lieu de rendez-vous pour les amoureux recherchant la discrétion. C'est aujourd'hui une réserve de chasse mais aussi, il faut bien l'avouer, trop souvent un dépotoir malgré les nettoyages réguliers.

C'est l'Armée de l'air qui, en 1939 lors de l'extension de la base aérienne, fit construire deux énormes hangars métalliques triple tonneau de 120 mètres x 60 mètres dotés de parkings bétonnés. Entre les deux fut adjoint un bâtiment préfabriqué accueillant les bureaux des formations aériennes (escadrilles et groupes). Après les affres des bombardements américains, les installations furent dynamitées le 25 août 1944 par les Allemands, veille de leur fuite. Durant encore une décennie les carcasses métalliques de ces hangars dominèrent l'aérodrome avant leur démantèlement en 1955.

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A gauche, le "petit bois" vu de la route périphérique. Au centre, vue aérienne datant de 1948 des deux hangars triple tonneau dont il ne reste que les carcasses. On constate qu'il y a encore une quasi absence de végétation. A remarquer également les cicatrices sur le sol laissées par l'explosion des bombes. A droite, vue actuelle du bâtiment accueillant les bureaux des escadrilles, dont il ne subsiste que la dalle en béton.

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A gauche, un massif en béton d'où partait une poutrelle métallique de contreventement du hangar sud. Au centre, à gauche du chemin, apparaît encore le rail d'une porte du hangar nord. A droite, les vestiges du parking à avions du hangar sud.

Le hangar Paindavoine et Collignon (actualisé en 2012) : c'est le dernier témoin des douze hangars militaires (dimensions 60m x 38m) construits dans les années vingt (dix en 1920 et les deux derniers vers 1925) par M.M. Paindavoine et Collignon, ingénieurs-constructeurs de leur état. Constitués de trois cellules, leur structure était en bois, leurs murs en briques et leur toiture initiale en "ardoises de ciment-amiante comprimé" remplacée dans la décennie suivante par des tôles ondulées galvanisées. En partie détruits par les bombardements américains, ils furent dynamités par les Allemands la veille de leur départ. Miraculeusement épargné, mais tout de même fragilisé, le hangar H61 fut affecté après la Libération à l'aéroclub de Romilly. Malheureusement ce hangar allait être victime de plusieurs coups de vent d'autant plus destructeurs qu'il ne possédait plus ses portes. En 1949, un orage particulièrement violent détruisit deux des trois cellules le réduisant à des dimensions plus modestes (20m x 38m). Endommagé de nouveau en 1952, réparé et consolidé, l'installation quelques mois plus tard d'un portique et de quatre portes coulissantes récupérés sur l'aérodrome lui permit enfin d'être protégé efficacement des aléas météorologiques. Si la grosse tempête de février 1990 fit envoler la moitié de sa toiture, assez curieusement il résista plutôt bien à la "tempête du siècle" de décembre 1999.

Ainsi durant plus de 90 ans, ce hangar fut un fidèle serviteur de l'aviation militaire puis de l'aéroclub local et aurait dû le demeurer. Mais la communauté de communes de Romilly, propriétaire des lieux depuis 2006, en décida autrement. Souhaitant détruire ce bâtiment, elle exiga le départ des avions qu'il abritait avant d'obtenir le 31 juillet 2011 la fermeture de l'aérodrome. Bientôt centenaire, seul et unique existant encore en France, rescapé des bombardements, des ouragans et des destructions nazies, le hangar Paindavoine et Collignon fut finalement livré aux démolisseurs le 18 juin 2012 par les élus locaux qui, sous couvert de développement économique, s'évertuent à détruire le patrimoine local et les dernières traces du passé aéronautique romillon.

Photos de sa destruction : cliquer ICI

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A gauche, le hangar en 2011. Le portique et les portes ont été récupérés en 1952 sur un ancien hangar Paindavoine détruit durant la seconde guerre mondiale. A droite, cette photo de 1937 permet de le découvrir dans sa forme d'origine à trois cellules. On constate qu'il était équipé de deux types de portes.

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La vue de l'intérieur du hangar (à gauche) permet de découvrir la charpente en bois supportant la toiture. Sur le mur du fond (photo de droite), l'aéroclub a préservé l'inscription "RAUCHEN VERBOTEN" (Défense de fumer) rappelant la présence allemande de 1940 à 1944. L'avion en cours de démontage est un Yak 55M.

(1) Le hangar H6 fut rebaptisé "Halle 15" sous l'occupation allemande, la Luftwaffe ayant entrepris de renuméroter tous les bâtiments et hangars de la base aérienne. A la Libération, les installations conservèrent la numérotation allemande, ce hangar devenant par francisation le "HM 15" (Hangar Militaire n°15). La plateforme aéronautique passant rapidement dans le giron de l'Aviation Civile (arrêté de changement d'affectation du 1er septembre 1947), le HM 15 perdit au fil du temps cette appellation pour devenir plus prosaïquement le "hangar de l'aéroclub".

Le hangar HM1 2 (actualisé en 2012) : il est construit sur une partie de la dalle d'un ancien hangar double tonneau érigé en 1939 et démoli en 1959. Ce dernier, victime des bombardements américains (une des deux cellules avait été détruite), était dans un état de délabrement avancé à la Libération. A moitié découvert, réparé tant bien que mal avec les moyens du bord, il allait néanmoins permettre d'abriter, jusqu'à la fin des années cinquante, l'avion de liaison de la base aérienne ainsi qu'un hôte de marque, le char "Romilly", qui attendait sagement que l'on veuille bien se préoccuper de son avenir depuis son arrivée dans la "cité des chaussettes". Pour la petite histoire, on raconte que le sort de ce hangar aurait été scellé par le général de Gaulle lors de son retour au pouvoir en 1958. Ne supportant plus la vue de cette quasi-ruine en bordure de la RN19 lorsqu'il se rendait en automobile à Colombey les deux Eglises, il se serait alors écrié : "Que cette carcasse disparaisse !". Ce fut chose faite l'année suivante. C'est à cette occasion que le "Romilly" fut transféré dans l'enceinte de la caserne non loin de la route nationale, les élus romillons de l'époque étant toujours incapables de lui trouver un endroit digne de sa glorieuse épopée.

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Le hangar HM1 (à gauche) fut construit en 1960 sur la dalle de l'ancien demi-tonneau (à droite) détruit un an plus tôt.

L'Armée de l'air décida alors de construire un nouveau hangar de dimensions plus modestes pouvant abriter deux avions de liaison. Le choix s'arrêta sur un bâtiment à structure métallique type STBA 3 de 31 mètres x 16 mètres. Fourni par l'établissement du matériel des bases aériennes, il fut érigé au cours de l'été 1960 par la société française de montage et levage sise à Miramas, les travaux de maçonnerie étant exécutés par l'entreprise Jouglas de Romilly. Après avoir abrité un NC 702 "Martinet", le HM1 accueillit à partir de 1964 deux MH-1521 "Broussard", l'un destiné à la base aérienne 914, l'autre au commandement de la zone aérienne de défense nord (CZADN) alors hébergé dans deux bâtiments de la caserne. Le dernier "Broussard" quitta Romilly en 1980 quelques années avant la dissolution de la base. Inutilisé, le hangar reprit alors du service pour le compte de l'aéroclub qui y abrita ses avions jusqu'au funeste jour du 31 juillet 2011 date de la fermeture de l'aérodrome. Malgré son bon état, la communauté de communes l'a condamné à un sort identique à celui du hangar Paindavoine et Collignon : la destruction.

Le hangar HM1 a été détruit le 20 juin 2012. Photos de sa destruction : cliquer ICI

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Sur la vue de gauche, l'hélicoptère du SAMU de Reims vient de se poser sur le tarmac du HM1 afin de transporter un malade. Il s'agit de l'Eurocopter EC 135 T1 n°227 immatriculé F-GPFL. Au second plan, les portes entrouvertes du hangar permettent d'apercevoir trois avions de l'aéroclub. Sur la photo de droite montrant la face arrière du HM1, on remarque la dalle en béton de l'ancien hangar double tonneau. A noter également l'inscription "Aérodrome, non à la fermeture, oui à la cohabitation" sur la banderole installée durant la bataille menée par l'aéroclub pour sauver de la disparition ce terrain historique.

( 2) HM1 : Hangar Militaire n°1. Le HM1 ne doit pas être confondu avec le "H1", hangar Paindavoine et Collignon démoli (avec le "H2") en 1939 pour laisser place au double tonneau.

(3) STBA : Service Technique des Bases Aériennes