(1) Un hôpital militaire occupa une partie de ces baraquements, mais la période de son séjour à Pars n'est pas connue avec précision.

(2) Il était le seizième enfant du comte Ferdinand de Lesseps créateur du canal de Suez.

(3) Escadrille n°300

L'AÉRODROME DE PARS-LÈS-ROMILLY

Village situé au sud de Romilly-sur-Seine, Pars-lès-Romilly accueillit au début de 1918, dernière année de la Grande Guerre, un camp d'entrainement pour l'infanterie. Des baraquements1 furent installés dans la cour de la ferme du château et des terrains réquisitionnés tout autour pour l'instruction des fantassins. D'après les rares documents retrouvés, les travaux d'aménagement du terrain de manœuvre allèrent de paire avec la construction d'un aérodrome. Dès le 25 janvier 1918, ce dernier fut déclaré disponible.

Situé au sud-ouest du village, l'aérodrome, d'une superficie de quarante hectares, était délimité au sud par la route (à l'époque un simple chemin) menant à Gélannes et au nord par un chemin (aujourd'hui disparu) partant vers Pont-sur-Seine. Durant la seconde bataille de la Marne, quatre escadrilles de bombardement équipées de Breguet XIV stationneront à Pars en juillet et août 1918 : les BR 45, BR 66, BR 108 et BR 111, les trois dernières formant le groupe de bombardement n°6. Mais ce sont les expérimentations de chasse de nuit puis la création d'un centre d'instruction pour la chasse de nuit (CIACN) qui firent essentiellement l'histoire de cet aérodrome.

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Aérodrome de Pars-lès-Romilly (fin 1918)

Le centre d'instruction pour la chasse de nuit (CIACN)

Au cours de la guerre 1914-1918, les bombardements nocturnes effectués par les avions et zeppelins allemands devenaient une menace grandissante. La DCA (défense contre avion) tenta de s'y adapter en développant de nouvelles méthodes. C'est ainsi qu'on avait adjoint une compagnie de projecteurs au centre d'instruction de DCA stationné à Pont-sur-Seine. Ce centre était également chargé d'étudier les techniques de "tir au son". Pour faciliter toutes ces études, ainsi que l'entraînement des artilleurs, un détachement d'aviation de vol de nuit fut mis en place en mars 1918 sur le tout nouvel aérodrome de Pars-lès-Romilly. Ce détachement comprenait quatre avions (dont trois Voisin) et une trentaine d'hommes.

Les expérimentations de chasse de nuit

En juin 1918, sur une idée du sous-lieutenant Honorat, le chef d'escadron de Nanteuil, commandant l'école de DCA de Pont-sur-Seine, proposa au GQG d'effectuer des essais de chasse de nuit. Il s'agissait de savoir si des avions spécialement équipés étaient capables d'abattre les avions ennemis préalablement repérés puis éclairés par des projecteurs. Après acceptation du projet, le centre d'instruction pour l'aviation de combat et de bombardement (CIACB), créé en mars 1918 sur le terrain de la Perthe (au nord de Plancy-l'Abbaye), fut désigné pour mener ces expérimentations en liaison avec l'école de DCA. Si un premier test eut lieu le 15 juillet 1918 avec des avions du détachement de Pars, il fallut attendre la fin août pour assister au véritable démarrage des essais.

Le 20 août, on constitua au sein du CIACB une section de chasse de nuit avec des pilotes chevronnés issus aussi bien de la chasse que du bombardement. C'est le capitaine Jacques de Lesseps2, spécialiste du bombardement de nuit, qui prit la tête de cette unité. Avant la Grande Guerre, Jacques de Lesseps avait été un pionnier de l'aviation naissante (brevet de pilotage n°27).

Les avions stationnés à la Perthe devaient préalablement rejoindre Pars avant le début de chaque expérience. Afin de simplifier les procédures, il fut décidé le 18 septembre 1918 de constituer un détachement d'aviation de nuit sur le terrain de Pars en regroupant la section de chasse de nuit de la Perthe avec le détachement de vol de nuit du centre d'instruction de DCA.

Les essais se déroulaient maintenant à un rythme soutenu. Les vols se faisaient le plus souvent dans une zone comprise entre Ferreux, Longueperte et Saint-Aubin. Simulant une attaque ennemie, un avion, généralement un Voisin, volait à 2000 mètres d'altitude alors qu'un chasseur patrouillait avec mission de l'attaquer. Il était aidé par une batterie de projecteurs éclairant le ciel à la recherche de l'intrus. Ces projecteurs étaient placés en quatre lignes de quatre dans un quadrilatère d'une dizaine de kilomètres de côté délimité par Nogent - Saint-Hilaire - Rigny-la-Nonneuse et le nord de Soligny-les-Etangs.

Parmi les pilotes ayant participé à ces expérimentations, il faut retenir le nom du sous-lieutenant André Herbelin qui arriva à Pars auréolé de son titre d'as de la chasse avec ses onze victoires aériennes. Les journaux locaux se firent d'ailleurs l'écho de la présence de ce pilote qui pratiquait souvent des exercices de voltige dans le ciel romillon sous les yeux ébahis de la population. Un autre as séjourna à Pars. Il s'agit du capitaine britannique (d'origine sud-africaine) Armstrong, venu transmettre son expérience de pilote de chasse de nuit à ses alliés français.

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Sous-lieutenant Herbelin

Voisin VIII ou X sur le terrain de Matougues

Le CIACN

Les résultats se révélant très positifs, il ne restait plus qu'à passer à la phase ultime : créer des escadrilles spécialisées et former les personnels. Le 1er novembre 1918, sur ordre du GQG, un centre d'instruction pour l'aviation de chasse de nuit (CIACN) était créé sur l'aérodrome de Pars-lès-Romilly. Sa mission était double : en premier lieu, assurer la formation des pilotes stagiaires et en second lieu, poursuivre les expérimentations tout en continuant de participer à l'entrainement de l'école de DCA. Commandé par le capitaine de Lesseps, le centre comprenait une escadrille3 dotée de 22 avions (10 SPAD VII - 3 Nieuport 24 bis et 27 - 4 Voisin - 5 Breguet XIV). Quant au personnel, son effectif se montait à 135 personnes, dont 6 officiers et 15 sous-officiers.

Onze jours plus tard l'armistice était signé mettant ainsi fin à plus de quatre années de boucherie sanglante. Pourtant, le centre de Pars continua d'exister encore quelques mois jusqu'à la démobilisation des troupes françaises qui ne débuta que dans les premières semaines de 1919.

Le CIACN aurait pu continuer à couler des jours paisibles jusqu'à sa dissolution si un drame n'était venu l'endeuiller entre-temps. Dans l'après-midi du 18 janvier 1919, un biplan Voisin venait de décoller pour un vol d'entraînement. L'équipage était composé du sergent pilote Thomas et du sergent mécanicien Fricheman. Lors d'un virage, l'appareil piqua soudainement vers le sol, victime très vraisemblablement d'un décrochage. Il s'écrasa dans un champ situé sur la commune de Romilly. Le sergent Thomas fut tué sur le coup. Quant au sergent Fricheman, il décéda peu de temps après son admission à l'hôpital de Romilly. Un mois plus tard, le 21 février 1919, la dissolution du CIACN était prononcée.

La fin de l'aérodrome

La même année, l'aérodrome devint une annexe du dépôt de matériel d'aviation n°1 (DMA1) de Romilly chargé de démobiliser une partie de l'aviation française. C'est ainsi que de nombreuses escadrilles cantonnèrent à Pars dans le premier semestre de 1919, le temps pour elles de se délester de leurs matériels. La bonne vingtaine de hangars Bessonneau présents sur le terrain servirent à stocker provisoirement les avions.

Au début des années vingt, le ministère de la Guerre ayant décidé de ne pas conserver le camp de Pars-lès-Romilly, les baraquements et hangars furent démontés ou vendus. Les terrains réquisitionnés purent alors être rendus à leurs propriétaires.

 La fête aérienne du 14 septembre 1930

Cet aérodrome allait très provisoirement renaître à l'occasion d'une fête aérienne organisée par la société pour le développement de l'aviation (SDA). Primitivement, cette manifestation avait été projetée sur l'aérodrome de Romilly où deux ans auparavant un meeting avait rencontré un très grand succès populaire avec la présence de 20000 spectateurs. Malheureusement, diverses raisons empêchèrent les organisateurs de renouveler l'expérience. Ils jetèrent alors leur dévolu sur l'ancien aérodrome de Pars qu'ils firent aménager en une dizaine de jours. Le SDA avait vu les choses en grand puisque d'immenses enceintes furent réalisées pouvant accueillir au total plus de 80000 personnes (!!).

La pluie s'invite à la fête

Préludant les festivités, de nombreux baptêmes de l'air eurent lieu le samedi après-midi, veille du meeting, malgré des conditions atmosphériques peu propices. Car un invité surprise allait contrarier tout ce bel ordonnancement : la pluie, qui sévissait depuis quelques jours dans la région romillonne et qui allait dissuader une grande majorité des spectateurs potentiels à se déplacer.

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Caudron chassant les ballons

1er saut en parachute

Le dimanche après-midi, la pluie avait cessé provisoirement. Les 2000 courageux qui avaient tout de même fait le déplacement pataugeaient dans la boue en attendant le début du meeting et les démonstrations des vedettes annoncées à savoir les pilotes acrobatiques Max Knipping et Pierre Lemoigne, le trapéziste sous avion Vassard, l'adjudant-chef Chenaud (un ancien du MGA1), la célèbre aviatrice de raids et ancienne parachutiste Maryse Hilsz. Démonstrations acrobatiques, "bombardement" de sacs remplis de farine sur une auto en marche, chasse aux ballons se succédèrent. On avait également demandé des volontaires parmi le public pour effectuer leur baptême de saut en parachute. Précisons qu'il s'agissait de saut en solo et non pas en tandem (avec un instructeur) comme aujourd'hui. Un jeune Parisien courageux (ou inconscient !?) se présenta. On l'équipa d'un parachute Vinay par-dessus son costume du dimanche tout en lui donnant succinctement quelques conseils, puis on le mit dans un avion Caudron qui décolla aussitôt. Arrivé à l'altitude de largage, on le laissa choir de l'appareil. Son parachute à ouverture automatique s'ouvrit alors sans problème. Quelques dizaines de secondes plus tard, notre jeune casse-cou retrouvait le plancher des vaches sans le moindre bobo en ayant tout de même été traîné sur quelques mètres par son parachute. Son costume était bon pour un nettoyage. Eh oui, autre temps, autres mœurs ! Le "principe de précaution" n'avait pas encore été inventé. Signalons que durant toute cette aventure son béret n'avait pas quitté sa tête !

Une heure et demie après le début de la manifestation, la pluie se rappela aux bons souvenirs des organisateurs en lâchant une véritable cataracte. Aussitôt ce fut la débandade générale. Malgré les appels lancés au micro demandant de patienter jusqu'à la fin de l'averse, les spectateurs prirent le chemin du retour. Maryse Hilsz n'eut même pas la possibilité de montrer son talent. Ainsi se terminait prématurément une fête aérienne qui s'annonçait pourtant prometteuse.