(1)
Auxquels il fallait ajouter éventuellement le
renfort du piquet d'incendie (une quinzaine
d'hommes environ).
(2)
Chassis GZ1 doté d'une citerne de 3200 litres.
(3) Non
publiées.
(4) C'était
de simples volontaires.
(5)
"Le Petit Troyen" du 30 juillet 1928.
(6) "La
Tribune de l'Aube" du 21 février 1929.
(7) Pompe
de 60-80 m3/h,
citerne 600 litres.
(8) Dernière
nouvelle (décembre 2010) : ce bâtiment, lui aussi, vient d'être
livré aux démolisseurs. Une des dernières traces de la base aérienne vient
de disparaître !
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LES
POMPIERS DE LA BASE
AÉRIENNE
|
La
création en 1920 du magasin général d'aviation n°1
(MGA1) sur le site de la Belle Idée nécessita la
présence d'un service de sécurité incendie chargé
d'assurer la sauvegarde d'installations contenant
une quantité colossale de matériels de grande
valeur (dont plus de 200 avions en stockage). La
plupart des Romillons ignorent cependant que les
pompiers militaires assurèrent également la
protection de leur ville et des communes aux
alentours jusqu'à la fin des années
cinquante.
Le service de sécurité incendie de la Belle
Idée
Le service de sécurité incendie
en 1922. Le personnel pose devant une
autopompe Renault
GZ1.
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A
sa création, le service comprenait une douzaine de
militaires1
dirigés par un civil
attaché à l'établissement, M. Marguet, ancien
sous-officier des pompiers de Paris et qui garda
ce poste jusqu'à la débâcle de juin 1940. La
caserne de pompiers était située sur l'aérodrome
en bordure de la route nationale (à proximité du
hangar H6) et comprenait un petit bâtiment en
briques, abritant les bureaux et les chambres du
personnel, ainsi qu'une baraque Adrian faisant
office de garage. Les moyens matériels mis à sa
disposition comprenaient "une autopompe de
premier secours
Renault2
semblables à
celles des pompiers de Paris et capable de partir
sans aucun délai et d'entrer immédiatement en
action", témoigne dans ses mémoires3 le colonel
Chapelet, premier directeur du MGA1.
C'était le nec plus ultra de l'époque. En outre,
il précise, "nous disposions également de deux
pompes à moteur que je tenais en permanence
chargées sur camions, de façon à pouvoir les
porter rapidement vers le foyer d'incendie
signalé". Pour les feux d'essence (en cas de
crashes d'avions), le service possédait également
plusieurs gros extincteurs sur roues.
Les
moyens matériels ne sont rien sans la qualité de
l'entraînement et le professionnalisme des hommes.
Et de ce point de vue, M. Marguet tenait en
haleine son petit groupe. Ayant le "coup de
gueule" facile, M. Marguet avait la réputation
d'un chef pas toujours commode et stricte sur la
discipline. Les exercices succédaient aux
exercices faisant la joie des gosses du quartier
qui venaient admirer le spectacle du bord de la
route nationale. "Il les faisait marcher à la
baguette", se souvient l'un d'eux en souriant.
Plus sérieusement, il les faisait plutôt "marcher
au sifflet" rythmant ainsi les ordres. Cet
entraînement et cette rigueur portèrent leurs
fruits puisque aucun incendie sérieux ne vint
jamais perturber la vie de la base aérienne durant
la période de l'entre-deux guerres.
Au service de la population
civile
En
définitive, la majeure partie des interventions se
déroula au profit de la ville de Romilly et des
villages environnants, suppléant ainsi aux moyens
dérisoires et totalement obsolètes des pompiers
communaux de l'époque. Le contraste était
éloquent. Jusqu'en 1928, les sapeurs-pompiers de
Romilly4 ne
disposaient que de pompes à bras ! Pour une ville
de 13 000 habitants, ayant des risques de
sinistres accrus par la présence d'un tissu
industriel important, l'indigence des moyens
anti-incendie faisait peine à voir. S'ajoutait à
cela l'absence de sirène pour donner l'alerte.
Enfin il n'y avait aucun réseau de distribution
d'eau, ce qui compliquait sérieusement la tâche
des sauveteurs. Le constat était accablant pour
les municipalités de gauche qui s'étaient
succédé à la mairie. Les élus, en fait, avaient
pris l'habitude de se reposer sur le service
anti-incendie des ateliers de la Compagnie des
chemins de fer de l'Est (qui possédait une pompe à
vapeur) et surtout sur les pompiers militaires de
la Belle Idée. Une étude sur l'achat de motopompes
avait bien été lancée, mais rien de concret n'en
était sorti.
Les
villages étaient particulièrement vulnérables. Il
n'y avait en effet ni eau courante, ni électricité
et parfois les puits étaient à sec. Le colonel
Chapelet raconte de nouveau : "L'été 1921 fut
dans la région de Romilly particulièrement chaud
et sec et il éclata dans les villages
environnants de graves incendies, de nuit bien
entendu. Autour de l'établissement, un réseau de
factionnaires, qui étaient autant de guetteurs,
fonctionnait pendant la nuit, relié par téléphone
à la sécurité. Ils étaient à même de signaler
immédiatement les incendies qui se déclaraient
aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le
service d'alerte déclenchait automatiquement le
départ des pompiers. Départ du premier échelon de
la section de feu (pompe de premier secours) ;
arrivée devant ma porte de ma voiture ; puis
démarrage, si cela était jugé nécessaire, des
autres pompes à moteur suivies d'un détachement de
secours, désigné à l'avance.
(...)
Au premier incendie de village, j'avais remarqué
que les flammes aveuglaient les sauveteurs, tandis
que les rues se trouvaient plongées dans une
obscurité complète. La recherche et l'exploitation
des puits s'avéraient difficile, d'où une perte de
temps. C'est pourquoi j'avais adjoint au premier
secours un camion chargé de groupes électrogènes
prêts à fonctionner. Ainsi j'éclairais le village,
et je facilitais les opérations de sauvetage, dont
la direction m'était confiée dès mon arrivée. Les
hommes du MGA1 purent à plusieurs reprises sauver
d'importants mobiliers, tandis que les pompes en
action luttaient contre le foyer d'incendie. Très
précieux entraînement pour le personnel, et
excellente impression sur la population. Nous
recevions chaque fois des remerciements
chaleureux, et en même temps une petite somme
d'argent versée à l'ordinaire."
C'est
l'incendie de l'atelier de carrosserie de M.
Lucien Wolff (situé rue Henri Millet) dans la nuit
du 26 au 27 juillet 1928 qui allait enfin faire
sortir de leur torpeur les élus romillons. Ce
sinistre, qui ravagea entièrement l'outil de
travail d'un artisan et de ses six ouvriers,
allait déclencher une polémique sur l'inefficacité
des pompiers communaux et leur matériel d'un autre
âge. Laissons la parole au journaliste du Petit
Troyen (de tendance "radical-socialiste") : "(...)
Aussitôt l'alerte donnée, M. Boulard, concierge
à l'Hôtel de Ville, courut à la remise des pompes
(.
..). Des difficultés d'éclairage se
produisirent et force fut donc aux sauveteurs de
prendre les pompes, le dévidoir des tuyaux et tous
les accessoires dans l'obscurité (...). Les
pompes, misent en batterie, crachèrent de l'eau
sur le foyer de l'incendie, mais surtout aussi sur
les immeubles avoisinant l'atelier afin de les
préserver. Malheureusement, par ce temps de
sécheresse, les puits furent bientôt taris et de
plus une section de tuyaux creva. Et le secours de
la pompe de l'Aviation de la Belle Idée que M.
Alfred Charles était allé réclamer à motocyclette,
fut le bienvenu, car le téléphone ne fonctionnait
pas, malgré les appels réitérés de M. le Maire
(...)". L'auteur de l'article conclut ainsi :
"Nous terminerons ce compte rendu en constatant
qu'en raison de l'agrandissement de notre ville,
notre matériel d'incendie est insuffisant et qu'il
est urgent de prendre des mesures de toutes
sortes"5.
Quelques
mois plus tard, le journal (de droite) La Tribune
de l'Aube, suite à un nouveau sinistre, ne rata
pas l'occasion de stigmatiser la municipalité
socialiste : "(...) Habituée à la prompte
intervention de la pompe militaire de la Belle
Idée, les responsables de l'incurie municipale ne
se rendent pas compte, probablement, de l'intérêt
que nous, habitants, attachons à la sécurité en
matière d'incendie. (...) Quand l'incendie n'a pas pris une grande extension,
cela va bien. Mais quand, comme pour le sinistre
de M. Wolff, il prend une importance assez
considérable, alors plus rien. On compte sur la
Belle Idée, et uniquement sur
elle"6.
Entre-temps,
les élus avaient enfin bougé puisque l'achat d'une
motopompe intercommunale tractée par un fourgon
Citroën fut voté lors de la séance du conseil
municipal du 21 août 1928. Quelques années plus
tard, une seconde motopompe fut achetée, cette
fois-ci entièrement financée par la ville de
Romilly. Si l'amélioration était sensible, ce
nouveau matériel n'était toujours pas à la hauteur
de celui des militaires qui continuèrent d'assurer
une grande partie des interventions. Ce fut le cas
par exemple lors de l'incendie qui ravagea quatre
immeubles du centre-ville de Méry-sur-Seine dans
la nuit du 7 juillet 1931 où l'action des
militaires du MGA1 fut décisive.
La modernisation du service de
sécurité
Le développement considérable de la base aérienne
consécutif à la création le 20 août 1938 de
l'école de pilotage allait avoir des répercussions
très positives sur le service de sécurité.
L'implantation de nouvelles installations et
l'augmentation très importante des mouvements
aériens, avec pour corollaire le risque accru
d'accident d'avions, nécessitaient un renforcement
et une modernisation du service.
L'effectif fut ainsi porté en septembre 1938 à vingt
personnes. Quant aux moyens de lutte
anti-incendie, ils consistèrent en deux véhicules
modernes : une autopompe Guinard7 sur chassis Renault
AGC type "Armée de l'air" et un camion de premier secours tous
terrains à trois essieux sur châssis Latil équipé
d'un équipement anti-incendie Técalémit. Ce
dernier engin était ce qui se faisait de mieux à
l'époque avec une citerne de 2400 litres, une
lance Monitor pouvant projeter de la mousse
contre les feux d'hydrocarbures et
enfin cent kilos de CO2 (dans deux bouteilles) pour les
feux en atmosphère limitée ou à
projeter sous forme de neige carbonique. Le service de sécurité devait également
emménager dans de nouveaux locaux dont la construction démarra en
1939
mais malheureusement il ne put
jamais les investir, les travaux de finition étant
stoppés par la déclaration de guerre. Ce bâtiment
est un des rares à encore exister aujourd'hui8. Il
se situe sur l'aérodrome non loin de la route RD
619 en face du centre commercial. Après-guerre, il
abrita le service "infrastructure" de la base
aérienne.
|
|
Autopompe Guinard
sur chassis Renault AGC
|
Véhicule Latil V3U6
|
L'efficacité des pompiers n'avait toujours pas
faibli comme en témoigne l'article de la Tribune
de l'Aube du 26 juillet 1939 commentant leur
intervention en pleine nuit sur un hangar agricole
en flammes à Pars-lès-Romilly : "(...) M.
Payen, maire, arrivé sur les lieux l'un des
premiers, fit prévenir la motopompe de la base
aérienne 133, qui, avec son camion citerne, arriva
avec une promptitude remarquable (quatre minutes
après le coup de téléphone), et tout danger fut
définitivement écarté pour la maison d'habitation,
dont le toit commençait à flamber. (...)".
Quatre minutes pour se réveiller, courir au
garage, démarrer et parcourir trois kilomètres ! A
croire qu'ils dormaient tout habillés dans leur
camion ! Nos pompiers d'aujourd'hui feraient-ils
aussi bien ?
Après l'entrée en guerre, une des dernières
interventions avant l'arrivée des troupes
allemandes eut lieu en mai 1940 sur un camion
militaire britannique en feu sur la place de
l'Union. Le 6 juin, lors d'un bombardement, une
bombe tomba sur le hangar H11 à quelques mètres du
logement de fonction du chef du service de
sécurité. Le baraquement fut soufflé et l'épouse
de M. Marguet, qui était restée à l'intérieur, fut
ensevelie sous les décombres où elle en fut sortie
avec seulement quelques égratignures et la peur de
sa vie. Le 13 juin, les deux autopompes, en
compagnie du personnel de la base, prirent le
chemin de l'exode qui se termina à
Bergerac.
La période d'après-guerre
A la Libération, après les destructions causées
par la seconde guerre mondiale, la base aérienne
allait progressivement renaître de ses cendres,
mais il n'était pas question pour l'Armée de l'air
d'y réimplanter des unités aériennes ou un
établissement du matériel. Dorénavant logé à
l'intérieur de la caserne "Marcel et René Doumer",
le service de sécurité en fut bien évidemment
affecté et ne retrouva jamais la splendeur des
années passées.
En 1946, ce dernier comprenait un effectif de dix
personnes dont deux sous-officiers mettant en
œuvre deux motopompes afin d'assurer la sécurité
du centre d'instruction qui occupait alors les
lieux. L'année suivante, une autopompe d'aérodrome mixte (eau et mousse) Guinard
type I (modèle 2) sur
chassis Citroën P45 doté d'une lance Monitor
compléta efficacement les moyens des pompiers qui
allaient ainsi pouvoir reprendre leurs
interventions à l'extérieur. Il existait
d'ailleurs des accords (uniquement verbaux)
d'entraide entre la base aérienne, les ateliers
SNCF et le centre de secours de Romilly. C'est
ainsi que les militaires participèrent à la lutte
des deux plus grands incendies que connut Romilly
dans les années cinquante, à savoir celui de
l'hôtel de ville le 6 juillet 1954 puis celui des
grands moulins de la SCARM le 22 avril 1957. Pour
le premier, d'après divers témoignages, leur
action énergique évita que le bâtiment ne
s'embrase totalement avant l'arrivée des renforts
venus de plusieurs communes du
département.
L'arrivée en 1949 du magasin régional
d'habillement 781 (rebaptisé plus tard ERCA 781),
puis l'installation en 1953 d'une station radar à
Prunay-Belleville allaient relancer la base
aérienne. Avec la station émission/réception de
Villadin et le relais hertzien de Montgueux, le
service de sécurité renommé section
sécurité incendie sauvetage (SSIS) voyait
sa zone de protection s'étendre obligeant une
partie du personnel à se disperser. L'apogée se
situa dans les années soixante avec l'arrivée d'un
véhicule mixte Guinard type III sur chassis Citroën
T46, en remplacement du précédent, auquel vint
s'ajouter un véhicule rapide d'extinction (VRE). A cette époque, les effectifs se
montaient à quatre sous-officiers spécialistes
chef d'équipe pompiers sauveteurs et treize
appelés du contingent aide-spécialistes permettant
de maintenir 24 heures/24 une équipe
d'intervention de premier secours prête à partir à
la moindre alerte.
Autopompe
mixte Guinard type III sur chassis Citroën T46 |
L'amélioration progressive des moyens du centre de
secours de Romilly et l'adoption du statut de
semi-permanents (employés à la ville) pour ses
sapeurs-pompiers allaient lui permettre d'être
enfin efficace et de se passer le plus souvent, à
compter des années soixante, de l'aide des
militaires. Le déclin de la base aérienne 914
amorcé dans la décennie suivante vit la
disparition de la SSIS remplacée par de simples
équipes d'auxiliaires de sécurité incendie (EASI)
avec un matériel et un personnel revus à la
baisse. Elles finirent par être regroupées sur le
site de Prunay dans les années quatre-vingt où la
dissolution de la base fut prononcée en
1989.
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