(1) décret du 25 mars 1920 (2) Situé sur la commune de l'Abbaye-sous-Plancy (intégrée depuis 1970 dans la commune de Plancy-l'Abbaye), ce camp fut créé en 1918. (3 ) décret du 13 juin 1922 (4) Les indemnisations traîneront en longueur jusqu'en 1924-25 à la colère des propriétaires et fermiers. (5) décret du 22 mars 1930. Cette extension ne fut opérationnelle qu'en 1935 après les travaux d'aménagement. (6) Avant la création de l'armée de l'Air, le terme "ouvriers d'aviation" désignait les militaires non-officiers de l'aéronautique. Il n'avait aucun rapport avec le personnel civil du MGA. (7) S.H.Défense-DptTerre 9N33, rapport de l'inspection générale de l'aéronautique du 27 mars 1926 sur le MGA1. (8) De simple pompes à bras jusqu'en 1928. (9) Mémoires du colonel A. Chapelet (non publiées) (10) Décret du 18 octobre 1933 portant sur la réorganisation des établissements spéciaux de l'Armée de l'air. |
LE MAGASIN GÉNÉRAL D'AVIATION N°1 1920 - 1934 La démobilisation terminée et les surplus liquidés, une réorganisation de l'aviation militaire s'imposait. La direction de l'Aéronautique Militaire du ministère de la Guerre décida de conserver les belles installations du dépôt de matériel d'aviation n°1 (DMA1) de Romilly en les incorporant dans le tout nouveau service général du ravitaillement en matériel d'aviation (SGRMA) créé en 1920. Ce service chargé du stockage et de l'entretien des matériels aéronautiques ainsi que du ravitaillement des formations comprenait quatre entrepôts spéciaux d'aviation (ESA) et quatre magasins généraux d'aviation (MGA). Créé le 1er avril 19201, le magasin général d'aviation n°1 (MGA1) de Romilly-sur-Seine était un établissement militaire avec une double mission. D'une part ravitailler et soutenir les régiments d'aviation stationnés dans l'est de la France et en Allemagne occupée et d'autre part stocker une partie de la réserve de guerre. Il avait également sous sa responsabilité le camp de la Perthe2, un grand terrain d'environ 650 hectares utilisé pour les manœuvres de l'aviation. Le MGA1 y maintenait un petit détachement de gardiennage composé de quelques hommes, tout comme sur l'aérodrome de secours de Saint-Dizier. Les constructions et extensions à l'époque du MGA1
Pérenniser les installations militaires nécessita l'achat des 78 hectares de terrains réquisitionnés en 1918. Ce fut fait en 19223 en même temps que le paiement des indemnités de réquisition4. L'achat de soixante hectares supplémentaires fut également décidé afin d'étendre vers l'est (sur Maizières-la-Grande-Paroisse) l'emprise du MGA et permettre ainsi la construction de la nouvelle caserne et l'agrandissement de l'aire d'atterrissage. Les hangars Bessonneau furent en grande partie remplacés en 1921 par dix hangars Paindavoine et Collignon de 60x38 mètres suivis de deux autres au milieu des années vingt permettant de stocker plus de 200 avions de type monomoteur.
Réalisée en deux tranches, la construction de la caserne débuta en 1927 pour s'achever deux ans plus tard. Elle fut baptisée "Marcel et René Doumer" en hommage à deux des fils du président de la République Paul Doumer tués durant la guerre de 1914-1918. Durant cette même période, six bâtiments en dur furent construits pour loger le directeur du MGA ainsi que des familles d'officiers et de sous-officiers (dans l'actuelle cité la Belle Idée).
En 1931, une seconde extension5 de 48 hectares (sur Romilly et Maizières) fut entreprise, cette fois-ci vers le sud. Un balisage électrique ceinturant la plateforme compléta les installations. A cette époque l'aérodrome n'avait pas de pistes délimitées, c'était un champ d'aviation où les avions décollaient et atterrissaient toujours précisément dans l'axe du vent. La même année, fut livré le nouveau bâtiment, dénommé "bb", abritant les magasins. Conçu par l'ingénieur rémois Bernard Laffaille spécialiste des constructions audacieuses et innovantes en béton armé, il fut érigé à proximité des nouveaux casernements. Les missions du MGA1
Bombardier Farman 60 "Goliath" sur l'aérodrome de Romilly L'organisation du service général du ravitaillement en matériel d'aviation, de type décentralisé, allait s'avérer assez lourde. Le ravitaillement s'effectuait en effet en trois étapes successives. Les fabrications aéronautiques de l'industrie transitaient d'abord par les quatre entrepôts spécialisés d'aviation (ESA) localisés en région parisienne. Dans un second temps, les ESA approvisionnaient les MGA qui, à la différence des premiers, recevaient une très grande variété de matériel. Enfin ces derniers ravitaillaient en matériel de service courant (rechanges ou avions par exemple) un certain nombre de formations (régiments d'aviation ou écoles) localisées généralement dans un même secteur géographique. Ainsi à sa création en 1920, le MGA1 de Romilly assurait le ravitaillement des unités suivantes : le 1er régiment de chasse à Thionville, le 2e régiment de chasse à Strasbourg, le 11e régiment de bombardement à Metz, le 21e régiment de bombardement de nuit à Nancy et le 33e régiment d'observation à Mayence (en Allemagne occupée). Cette liste évoluera quelque peu au fil des ans.
Les MGA avaient une deuxième fonction toute aussi importante, celle de stocker une partie de la réserve de guerre (RG) en prévision de la mobilisation et des premiers mois d'un conflit armé. De ce fait, la quantité de matériels à stocker par le MGA1 de Romilly était assez impressionnante. Ainsi dans la circulaire du 12 août 1920 fixant sa dotation, on peut relever les chiffres suivants : 260 avions (200 pour la réserve de guerre et 60 pour le service courant) - 175 moteurs (dont 150 pour la RG) - 230 hélices - 10 hangars Bessonneau 20x28 démontés - etc. Il est certain que ces chiffres durent évolués dans les années suivantes car beaucoup des matériels provenaient encore des productions de guerre qui en quelques années devinrent obsolètes. La réserve de guerre fut alors progressivement constituée par des fabrications nouvelles du temps de paix et très certainement dans des quantités moindres. Tous ces matériels devaient être bien évidemment entretenus par l'établissement. Les grosses réparations ou révisions d'avions, impossibles à réaliser par les parcs régimentaires, représentaient aussi une part importante du plan de charges des ateliers du MGA1.
Organisation et effectifs du MGA1 Le magasin général d'aviation n°1 de Romilly était articulé en différents services et unités où un grand nombre de métiers s'y côtoyaient : cordier (pour les parachutes), voilier, entoileur, sellier, magasinier, tourneur, fraiseur, ajusteur, mécanicien avion, mécanicien auto, metteur au point, monteur d'avion, monteur régleur d'avion, menuisier, électricien, armurier, etc. Ces emplois pouvaient être tenus aussi bien par des militaires que des civils. Les effectifs civils et militaires représentaient environ 500 à 600 personnes dont onze officiers. La cinquantaine de sous-officiers et les hommes de troupe étaient regroupés au sein de la 7e section d'ouvriers d'aviation (7e SOA)6 rebaptisée en 1924 7e compagnie d'ouvriers d'aéronautique (7e COA). Quant au personnel civil, il ne cessera d'augmenter au fil des ans passant de 80 salariés en 1921 à 150 en 1933. Le personnel navigant (PN) était peu nombreux et se résumait aux officiers ainsi qu'aux six pilotes convoyeurs. Ces derniers, tous sous-officiers, étaient considérés comme l'élite du MGA tant leur science du pilotage était réputée. L'activité aérienne de l'aérodrome pouvait se résumer ainsi : vols d'essai et de convoyage, entraînement des officiers pilotes et des réservistes, ravitaillement (et parfois dépannage) des avions militaires de passage, manœuvres aériennes. Romilly était également intégré dans le réseau des terrains de secours utilisés par l'aviation commerciale.
La section d'entraînement Cette petite unité composée d'une huitaine de mécaniciens mettait en œuvre la douzaine d'avions affectés en propre au MGA1 qui permettaient d'assurer les vols d'entraînement réglementaire des officiers PN et des pilotes réservistes rattachés à l'établissement mais aussi Ies vols de liaison du directeur ou de son adjoint. Les mécaniciens assuraient également l'avitaillement des avions civils ou militaires en escale sur l'aérodrome. Installée dans deux Bessonneau jusqu'au milieu des années vingt, la section occupa ensuite le hangar Paindavoine H5 reconnaissable aux deux lettres "RV" ("ravitaillement") inscrites sur un des murs. A côté, fut construit un petit bâtiment en briques abritant le nouveau bureau de piste où les pilotes venaient prendre connaissance des consignes, de la météo et remplir les documents réglementaires dont le fameux registre journal des services aériens. Il faut signaler également que le hangar de la section d'entraînement abrita les quelques appareils de l'aéroclub de l'Aube jusqu'à la création de l'aérodrome de Barberey en 1933.
Le MGA1 et Romilly L'Etat-Major considérait Romilly comme "une garnison particulièrement défavorisée, n'offrant aucun agrément", où "les ressources intellectuelles sont absolument nulles" et "le recrutement des officiers et sous-officiers de carrière extrêmement difficile"7. Le tableau fut-il toujours si sombre ? Non, car cette remarque date des années vingt, époque où les casernements étaient encore constitués de baraquements en bois. Une amélioration très sensible se fera jour dans les dernières années du MGA avec la livraison de la nouvelle caserne. Certains gradés feront même une grande partie de leur carrière dans cet établissement de taille moyenne où la convivialité régnait le plus souvent et où la vie dans la cité cadre de la Belle Idée était assez agréable surtout depuis la construction des nouveaux logements. Mais il est vrai aussi que Romilly n'avait rien d'une ville de villégiature ! Les distractions y étaient limitées et les possibilités d'hébergement rares. A l'écart de la ville, le MGA vivait relativement replié sur lui-même et, contrairement à Romilly qui ne vit arriver la fée électricité qu'en 1926 et l'eau courante seulement en 1954, il disposa, dès sa création, de ces deux commodités essentielles. Il possédait également un service de sécurité incendie moderne. Doté d'une autopompe Renault, le MGA assurait ainsi la sécurité incendie de toute la région romillonne avec une redoutable efficacité permettant de pallier la pauvreté des moyens des pompiers communaux8. Grâce à son établissement militaire, Romilly était ainsi devenue une ville de garnison et son image de cité industrielle en sortait renforcée et diversifiée. Avec la municipalité, les rapports furent toujours cordiaux malgré l'étiquette "ville rouge". En 1920, lors de l'arrivée du capitaine Chapelet, premier commandant du MGA1, ses subordonnés lui firent cette remarque : "Le maire est communiste ainsi que la plus grande partie de la population"9. En réalité, durant l'entre-deux guerres, ce sont les socialistes de la SFIO qui gérèrent la ville avec parfois l'appoint des radicaux. Le PC déjà très puissant à Romilly ne conquit la mairie qu'en 1947. Le sentiment pacifiste, voire anti-militariste, né de la boucherie de la Grande Guerre, était très fort parmi les élus romillons de cette époque et leur interdisait par exemple de participer aux cérémonies du 11 novembre. Il faut cependant noter que M. Racine, employé civil du MGA, fut longtemps adjoint au maire. Quant à l'Etat-Major, il ne se préoccupait guère de l'étiquette politique de la ville à la condition que la propagande restât à la porte de la caserne et ne vînt pas perturber "l'état d'esprit du personnel civil" ou des soldats du contingent. La population, elle aussi, entretenait de bons rapports avec les militaires du "camp de la Belle Idée". Il y eut bien quelques gradés qui se firent traiter de "traîneurs de sabre" ou de "fainéants" rue de la Boule d'Or, ou quelques rixes entre protagonistes éméchés à la sortie des nombreux bistrots, mais cela relevait plus du folklore local que d'une véritable hostilité. Elle n'oubliait pas que l'établissement militaire la protégeait contre les incendies et donnait du travail à 150 civils. Bon prince, le MGA n'avait d'ailleurs pas hésité à embaucher certains cheminots licenciés par la Compagnie des chemins de fer de l'Est après la grande grève de 1920. En définitive, les Romillons étaient plutôt fiers de posséder dans leurs murs un aérodrome et ses aviateurs. La Belle Idée était un lieu de promenade où on allait admirer depuis la route nationale le ballet des avions dans le ciel ou sur la piste. Le meeting aérien du 15 avril 1928 fut d'ailleurs un énorme succès populaire avec environ 20000 spectateurs.
Le problème récurrent du logement L'hébergement des familles d'officiers et de sous-officiers sera, jusqu'à la disparition de la base aérienne en 1989, un problème récurrent. Dans cette petite ville ouvrière de province ayant connu en quelques décennies un essor démographique et industriel important, il était difficile de trouver en nombre suffisant des logements décents pour les cadres du MGA. Malgré des baraquements en bois assez spacieux construits à la Belle Idée puis leur remplacement par six bâtiments en dur vers 1930 et enfin la mise à disposition d'une partie des quarante appartements édifiés rue Locarno grâce à la loi Loucheur, le manque de logements se fit toujours cruellement sentir. Cela occasionna une dispersion excessive du personnel (parfois à plus de vingt kilomètres de Romilly) à une époque où la possession d'une automobile relevait du luxe.
La fin du MGA1 et sa dissolution le 31 mars 1934 Au début des années trente, le magasin général d'aviation n°1 de Romilly était devenu un bel établissement. Sa nouvelle caserne venait d'être inaugurée et l'immense bâtiment "bb", abritant les magasins et certains ateliers, allait bientôt entrer en service. Les officiers et sous-officiers logés à la cité "la Belle Idée" pouvaient disposer maintenant d'appartements confortables. Quant à l'aérodrome, son agrandissement était en cours. L'apogée fut atteint avec la désignation à sa tête du lieutenant-colonel Brault (un saint-cyrien) qui, au cours de son séjour à Romilly, fut promu au grade de colonel. Deux événements majeurs allaient enrayer toute cette belle mécanique, d'une part la crise économique venue des Etats-Unis qui allait toucher la France durant toute la décennie et d'autre part la naissance de l'Armée de l'air le 1er avril 1933. Son organisation toute nouvelle et les problèmes budgétaires nécessitaient la mise en place d'un nouveau service dédié au matériel aéronautique : la direction du matériel aérien militaire (DMAM). Ses structures moins lourdes et mieux adaptées que l'ancien service aboutirent à la suppression pure et simple des quatre MGA en 193410. Pour Romilly, les prémices de changement débutèrent par le non remplacement du colonel Brault lors de son départ en 1932. Son successeur n'arriva jamais, l'intérim étant assuré par son adjoint, le commandant d'Avitaya, puis par le commandant Fruchard en 1933. Cette même année, la nouvelle de la disparition prochaine du MGA fut annoncée. L'Armée de l'air n'envisageait aucune solution de rechange, le site devant être tout simplement fermé. Pour les 150 employés civils ce fut une catastrophe. Grâce à l'intervention de M. Racine, secrétaire local du syndicat des employés civils de l'aviation et de deux parlementaires aubois auprès du ministre de l'Air (Pierre Cot), un compromis fut trouvé en novembre 1933 malgré la résistance de l'état-major de l'Armée de l'air : le MGA serait bien supprimé, mais il était remplacé par une annexe "provisoire" de l'établissement spécial de l'Armée de l'Air n°1 (ESAA1) de Villacoublay ainsi que par un atelier de réparation. Le 31 mars 1934, la dissolution du MGA1 de Romilly était officiellement prononcée et, malgré les promesses, l'annexe de l'ESAA1 ne maintenait que 80 emplois civils. Pour les salariés non repris, le choix était simple : soit un reclassement dans un autre établissement de l'Armée de l'air, soit le licenciement pour ceux ne désirant pas s'expatrier. Quant aux effectifs militaires restant à Romilly, une prévision faisait état de seulement 93 personnes ! Le temps des vaches maigres était arrivé. Heureusement, cela n'allait pas durer bien longtemps.
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