(1) SHD - Département Air MO8, "Note sur l'Aéronautique" datée du 15 juin 1922 émise vraisemblablement par l'Inspection Générale de l'Aéronautique. Dans leur ouvrage "Histoire de l'aviation militaire" (Ed. Lavauzelle, 1980), les généraux Christienne et Lissarrague estiment le personnel de l'aviation à 90000 militaires.

(2) SHD - Dpt Air A17, "Instruction générale au sujet de l'organisation des DMA dans la zone des Armées et de la dissolution des formations aéronautiques" (GQG le 22/1/1919)

(3) SHD - Dpt Air. "Rapport du LCL Mollandin sur la visite effectuée le 14 mars 1919 et les jours suivants aux DMA de Romilly, Sommesous et Courban (17 mars 1919)."

LE DÉPÔT DE MATÉRIEL D'AVIATION N°1

- 1919 -

Spad-VII-du-dma1.jpg

Spad VII n° 5935 photographié à Romilly en 1919. Au second plan, on aperçoit le matériel abandonné par les escadrilles lors de leur dissolution après le premier conflit mondial.

A la fin de la Grande Guerre, l'aviation française était devenue la première du monde avec une force de 4800 avions répartis dans 318 escadrilles dont 258 sur les fronts nord et nord-est. En incluant les appareils en écoles, en parcs ou en réserve, le chiffre atteignait environ 11000 avions mis en œuvre par 105000 personnes dont 25000 navigants (pilotes, observateurs, mitrailleurs)1. La paix revenue, la démobilisation d'une grande partie du personnel ne pouvait évidemment permettre de maintenir une quantité si importante d'unités. Il était nécessaire de diminuer leur nombre et de stocker le matériel. Au total, le GQG escomptait dissoudre environ 150 escadrilles avant la fin du mois d'avril 1919.

L'expérience des premières dissolutions d'escadrilles sur leur lieu de stationnement révélant certaines difficultés, le GQG décida en janvier 1919 de créer trois dépôts de matériel d'aviation (DMA) destinés à recevoir le matériel de toute nature provenant des formations aéronautiques dissoutes, de l'emmagasiner et de l'entretenir2. Ces dépôts situés à Romilly-sur-Seine, Sommesous et Courban devaient démarrer leur activité dès le 1er février suivant.

Installations du DMA1

La création à Romilly du dépôt de matériel d'aviation n°1 (DMA1) fut essentiellement motivée par la présence des importantes installations du grand parc aéronautique n°1 dont la mission était en train de s'éteindre avec la fin de la guerre. Le DMA1 pouvait ainsi disposer de capacités de stockage importantes et d'ateliers nécessaires pour l'entretien des matériels. Il pouvait aussi compter sur l'aérodrome de Pars-lès-Romilly (distant de trois kilomètres) pour lui servir d'annexe et de cantonnement provisoire du personnel des formations en instance de dissolution, mais également des aérodromes et hangars du groupe des divisions d'entraînement ( GDE) situés dans la région de Marigny-le-Châtel. Placé sous l'autorité du chef d'escadron Chaulin, le DMA1 de Romilly hébergea également le commandement supérieur des trois dépôts.

Dissolution des formations et stockage du matériel

Les opérations de dissolution d'une formation duraient en moyenne une dizaine de jours et comprenaient trois grandes étapes : versement du matériel, dissolution administrative de l'unité et enfin affectation du personnel. Après un démarrage assez lent en février, rapidement dès le mois suivant, le rythme d'une dissolution par jour fut atteint. Au total, une soixantaine d'escadrilles, plusieurs commandements aéronautiques de corps d'armée, une demi-douzaine de sections photographiques, quelques parcs, la 1ère réserve de ravitaillement aéronautique (1ère RRAé) et enfin le GDE furent dissous en quatre mois.

Les dernières dissolutions effectuées, le dépôt de matériel d'aviation n°1 de Romilly passa sous la responsabilité du service des entrepôts généraux de l'aviation (SEGA) le 1er août 1919, date à laquelle le commandement supérieur des DMA, ayant terminé sa tâche, fut à son tour dissous.

Le problème du stockage et du devenir du matériel se posa rapidement. Si les avions purent être parqués, serrés comme des sardines, dans les hangars, certains spécialistes prédisaient que près des 9/10 seraient inutilisables dans les quatre mois à venir "parce qu'ils ont été construits avec des bois verts séchés artificiellement et que les bois travaillent" 3. Une fraction non négligeable des véhicules automobiles furent laissée dehors faute de place et les équipements électriques, très fragiles, demandaient des soins attentifs. D'autres étaient à réparer ou se dégradaient rapidement. Finalement, il s'avéra préférable de se séparer le plus rapidement possible des surplus devenus inutiles, encombrants et représentant de grosses immobilisations financières. Mais si, à l'exemple des automobiles, camions, remorques, motos, pneus, ou groupes électrogènes, certains matériels trouvèrent facilement acquéreurs, d'autres étaient pratiquement invendables et furent donc en définitive ferraillés.

Liquidation-des-stocks.jpg

Annonce parue le 1er août 1919 dans le journal "La Tribune de l'Aube" avisant de la première vente de surplus militaires au DMA de Romilly. La dernière aura lieu au début de l'année 1920.

Les trafics des surplus militaires

Leur vente fut l'occasion de trafics mettant en cause aussi bien des militaires appartenant au DMA que des civils dont certains connus et estimés à Romilly. Au printemps 1920 quand arriva le capitaine Chapelet, nouveau directeur de l'établissement, la rumeur courait dans la ville depuis plusieurs mois qu'il se passait de drôles de choses à la Belle Idée. S'apercevant très vite des graves disfonctionnements affectant l'établissement, il allait y mettre bon ordre après une enquête minutieuse et l'intervention de la justice dans un scandale qui éclaboussa non seulement des militaires du rang ou des sous-officiers mais également un officier. Le trafic consistait à proposer à la vente des véhicules automobiles auxquels il manquait des éléments indispensables (un essieu par exemple) préalablement démontés. Bien évidemment, le véhicule était alors acheté pour une bouchée de pain par des complices. Une fois le véhicule remis en état de marche en remontant les pièces manquantes, il était alors revendu rapidement avec une forte plus-value. L'Etat était ainsi spolié et des margoulins s'enrichissaient à bon compte. Autre moyen encore plus radical : le vol, toujours grâce à la complicité de militaires sans scrupules. C'est dans une affaire de ce type qu'un des plus gros commerçants de Romilly se fit pincer lorsque la police perquisitionna chez lui et trouva des pièces de véhicules automobiles ainsi que 1400 litres d'essence volés dans un dépôt de l'aérodrome de la Perthe (une annexe du DMA1). L'affaire se termina au tribunal correctionnel de Nogent-sur-Seine où le commerçant, poursuivi seulement de recel, écopa de trois mois de prison ferme.

Pérennisation des installations aéronautiques de Romilly

Les surplus ferraillés ou vendus, le ministère de la Guerre décida à la fin de 1919 que les installations de Romilly devaient être conservées dans la nouvelle organisation du temps de paix. Devenu un établissement spécialisé dans le ravitaillement du matériel aéronautique, il prit officiellement le nom de magasin général d'aviation n°1 (MGA1) le 1er avril 1920.

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